10 déc. 2012

L'ENJOMINEUR 1794, de Pierre Bordage

La Terreur fait rage, et s'étend tant à Paris qu'en Vendée en une vague d'oppression sanglante. Dans ce dernier tome du cycle de L'Enjomineur, les évènements suivent leur cours inéluctable, et les intrigues se dénouent.


Ed. J'ai lu - 2011 - 540 p.

* * *

Emile, à Paris, découvre le secret de ses origines, et avance toujours plus loin à la recherche de sa place, du rôle qu'il doit jouer, de son destin. Il plonge dans le culte de Mithra, jusqu'à devoir faire un choix, son choix, celui pour lequel il est né et pour lequel chaque parti a cherché à l'influencer. Face au culte du soleil, et aux filles et fils de la nuit, il est bien peu de chose, et pourtant c'est à lui que revient de faire ce choix qui décidera de tant de choses.

Cornuaud avance toujours au jour le jour, et il survit envers et contre tout. Il quitte Paris comme volontaire dans les forces républicaines envoyée mater la rebellion en Vendée. Comme toujours avec lui, il marche pour lui-même, et n'hésitera pas à changer de camp au gré des situations. Toujours enjominé, il répandra le sang pour elle, et leur relation évoluera encore à mesure que l'horreur les abreuve jusqu'à plus soif.

*

Il se demandait ce qu'il faisait là. La voix lui répondait qu'il assistait à un banquet des origines, que ses yeux se dessilleraient bientôt, qu'il pourrait alors contempler l'ensemble du tableau et prendre la place qui lui était réservée.
J'ai été légèrement déçu par l'histoire d'Emile. A un moment, j'ai même pensé un "Tout ça pour ça"... Je crois que ce désappointement vient du fait que je n'ai pas accroché à tout ce qui tourne autour du culte de Mithra, et aussi au fait que je trouve que les tomes deux et trois perdent le côté merveilleux du Petit Peuple (ou ce qui en tient d'équivalent ici) tel qu'il est perçu et présenté dans L'Enjomineur 1792.

Le Culte de Mithra m'a laissé une impression d'artifice dispensable.
Artifice parce qu'il s'agit d'un élément de fiction qui vient se plaquer sur un contexte historique réel, étudié et très bien documenté, et que l'auteur semble maîtriser de bout en bout.
Dispensable, parce qu'il n'y a pas besoin d'une histoire de complot pour expliquer la folie révolutionnaire, les débordements et les extrêmes. Et c'est bien là ce qui m'a le plus gêner : ces éléments fictionnels, placés par certains côtés comme cause des évènements sanglants, m'ont paru diminuer le poids de ces évènements (réels !) comme si la réalité ne suffisait pas, comme s'il fallait aller chercher une cause cachée, mystérieuse, un complot, pour expliquer toute cette folie.
Attention, c'est bien là mon ressenti personnel, influencé par mon attachement à ces évènements historiques, d'où découle mon envie et presque attente (j'en suis conscient, et plaide coupable) d'un roman quasi historique. Parce qu'au fond, cette intrigue reste plaisante et bien menée. On retrouve une quête des origines, quête personnelle, avec des tas de mystères et tout et tout. Seulement, ça ne m'a pas emballé.

*

Mais la vie avait fait de lui un brigand, une canaille du quai de la Fosse, un marin sur un navire négrier, un possédé, un volontaire des armées de la République.
Un perpétuel banni.
Au contraire, l'histoire de Cornuaud m'a passionné et transporté.

Déjà, parce qu'elle nous permet enfin de plonger dans la guerre de Vendée, avec toutes ses horreurs (et il y en a un paquet !). Si Pierre Bordage sait décrire avec beaucoup de douceur et tendresse la campagne vendéenne à travers son quotidien, dans le premier tome, il a également su transmettre toute l'horreur de cette guerre civile, que ce soient la violence des affrontements, les agissements des colonnes infernales ou de Carrier à Nantes.
Là encore, je ne suis pas neutre car ces évènements me passionnent, alors forcément j'ai été heureux que l'intrigue nous y emmène enfin.

Ensuite, j'ai bien accroché à l'évolution du personnage de Cornuaud. C'est toujours un salaud, qui répand la mort sans pouvoir se cacher uniquement derrière le fait qu'il est enjominé et que la sorcière le pousse à faire couler le sang. Pourtant, ce antihéros évolue, et il est attachant dans sa détresse, dans son errance égoïste et son absence d'espoir, dans sa conscience de l'horreur qui l'entoure et qu'il aide à répandre.
De même, sa relation avec la sorcière, avec sa malédiction, continue d'évoluer. Il s'agit de quelque chose qui avait déjà été bien amorcé dans le tome 2, mais là cela aboutit vraiment et j'ai adoré ça. Car si Cornuaud évolue, l'enjomineuse fait de même et, chacun dans leur horreur, ils arriveront à une sorte d'équilibre, chacun aussi brisé que l'autre.

* * *
— Bah, la guerre transforme tous les hommes en diables... 
En conclusion, j'ai vraiment bien aimé dans ce dernier tome le retour à une intrigue plus proche des évènements historiques (pour toute la partie qui se déroule en Vendée et à Nantes, l'intrigue de Cornuaud donc) ainsi que l'évolution de Belzébuth, son aboutissement alors même qu'il pouvait paraître être le moins prometteur des deux protagonistes en matière d'évolution possible.

J'ai moins apprécié la seconde intrigue, celle d'Émile, bien que je l'ai lue avec plaisir.

Et rien que pour la retranscription du patois, je ne peux que recommander ce livre à toute personne ayant des origines vendéennes (et aux autres également hein !).


Tome 1 : L'Enjomineur 1792
Tome 2 : L'Enjomineur 1793

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